Imaginez pouvoir acquérir un avion de collection pour le prix d'une citadine d'occasion. Cette opportunité rare se présente aux passionnés d'aviation et aux investisseurs audacieux. Le tribunal de Versailles s'apprête à mettre aux enchères deux bijoux de l'aviation légère qui sommeillent depuis plusieurs années sur le tarmac de l'aéroport de Toussus-le-Noble.
Ces deux aéronefs historiques, saisis par la justice, seront proposés à des prix de départ qui défient l'entendement : à peine 35 000€ au total pour des appareils dont la valeur réelle sur le marché dépasse allègrement les 200 000€.
La vente se déroulera le mercredi 30 avril 2025 à partir de 9h30 au tribunal judiciaire de Versailles. Ces prix défiant toute concurrence cachent-ils un piège ou représentent-ils l'opportunité d'une vie pour les passionnés d'aviation?
Premier lot, un magnifique Piper PA 30 de 1966, véritable légende de l'aviation légère américaine. Ce bimoteur élégant est propulsé par deux moteurs Lycoming offrant une vitesse de croisière impressionnante de 285 km/h et une autonomie généreuse de 2000 km. Son système d'hélice contrarotative, une prouesse technique de l'époque, élimine l'effet de couple asymétrique qui complique habituellement le pilotage des bimoteurs.
Entretenu jusqu'en 2021 et affichant 5800 heures de vol au compteur, ce Twin Comanche est mis à prix à seulement 20 000€ – une somme dérisoire pour cet emblème volant des sixties.
Le second appareil n'est autre qu'un Beechcraft Beech Duchess 76 de 1981, reconnaissable entre mille à son empennage en T caractéristique. Équipé de deux moteurs Lycoming de 180 chevaux, ce bimoteur s'est forgé une réputation d'excellence comme appareil de formation multi-moteurs. Ses commandes précises et son comportement prévisible en vol en ont fait l'outil pédagogique privilégié de nombreuses écoles de pilotage à travers le monde.
Avec 4200 heures de vol au compteur, il est mis à prix à seulement 15 000€. Les collectionneurs apprécient particulièrement ce modèle pour sa robustesse légendaire et son cockpit spacieux.
Ces tarifs semblent absurdes quand on sait qu'un Piper PA 30 en état de vol se négocie entre 80 000 et 120 000€, tandis qu'un Beechcraft Duchess en condition opérationnelle atteint facilement 150 000 à 250 000€. Mais pourquoi de tels prix? L'explication cache peut-être une surprise coûteuse...
Cette mise aux enchères résulte d'une saisie pour défaut de paiement des frais de stationnement accumulés depuis 2022. Conformément à l'article L. 322-11 du Code des procédures civiles d'exécution, ces aéronefs immobilisés depuis des années sont désormais soumis à une procédure de vente forcée, orchestrée par le tribunal de Versailles. Cette situation, bien que regrettable pour les propriétaires initiaux, offre une opportunité rare d'acquisition à prix réduit.
Attention cependant : cette vente comporte une particularité majeure qui en restreint l'accès. Seuls les avocats inscrits au barreau de Versailles pourront porter les enchères, pour leur propre compte ou celui de leurs clients. Les garanties financières exigées incluent deux chèques de banque certifiés – l'un couvrant la mise à prix, l'autre les frais prévisibles.
Les enchérisseurs peuvent également tenter d'acquérir le lot complet des deux aéronefs.
Les acquéreurs recevront avec les appareils:
Le point crucial que les enchérisseurs doivent considérer : l'état de navigabilité des deux appareils n'est pas confirmé. Aucune garantie n'est offerte quant à leur capacité à reprendre l'air dans l'immédiat. Ce qui semble être l'affaire du siècle pourrait rapidement se transformer en gouffre financier pour les acheteurs imprudents.
Voici pourquoi...
La remise en service de ces bijoux d'aviation pourrait coûter entre 50 000€ et 80 000€ par appareil selon plusieurs experts consultés. Une inspection CDCCL (Critical Design Configuration Control Limitations) complète sera nécessaire, incluant des contrôles magnétoscopiques des structures porteuses, la révision des circuits hydrauliques et carburant, sans oublier la recertification des deux moteurs Lycoming. Ces coûts substantiels expliquent en grande partie la mise à prix étonnamment basse proposée par le tribunal.
Les défis logistiques post-acquisition ne sont pas négligeables non plus. L'acquéreur devra obtenir des autorisations préfectorales spécifiques pour le remorquage des appareils, souscrire une assurance responsabilité civile d'au moins 5 millions d'euros, et s'acquitter des frais de stationnement arriérés estimés à environ 18 000€ par appareil. Une aventure administrative qui exige patience et détermination.
Ces contraintes ne découragent pas pour autant tous les acheteurs potentiels. Ces aéronefs peuvent intéresser des collectionneurs de patrimoine aéronautique cherchant à préserver ces témoins d'une époque glorieuse, des écoles de pilotage souhaitant disposer de simulateurs statiques grandeur nature, ou encore des passionnés en quête d'un projet de restauration ambitieux et enrichissant.